QUO VADIS ?

 

TU NE JUGERAS POINT

La vie m'a appris en toutes circonstances à éviter de porter un jugement sur autrui, même quand l'évidence des faits est telle qu'elle ne laisse aucune place au doute.

Le film " Douze hommes en colère" en est la parfaite réplique. Pour rappeler la trame, la scène se passe aux Etats-Unis, dans un tribunal. Onze jurés sont persuadés - tellement cela paraît incontestable - de la culpabilité de la personne qui y comparaît, un seul de son innocence. Tout au long du film, on verra les onze hommes revenir sur leurs décisions et de ce fait, éviter la peine de mort au présumé coupable.

Ce préambule m'amène à vous parler de T. et C. deux jeunes gens (dont l'un à tout juste 20 ans) qui, les jours des offices religieux, s'installent avec leurs chiens sur le parvis de l'église afin de recevoir quelques aumônes.

Leur apparence n'attire pas mais ce sont des pauvres, des mendiants, alors on s'apitoie et on extirpe du portefeuille quelques pièces que l'on jette dans leurs mains tendues.

Une continuité lassante
Une fois, deux fois, "tiens, ils sont encore là aujourd'hui ", Plusieurs prétextes pour ne pas glisser les mains dans nos poches nous incitent alors à éviter leurs regards : " Pourquoi s'embarrassent-ils de chiens ? Le chômage est là, c'est vrai, mais ils sont jeunes, ils pourraient tràvailler ? Est-ce vraiment leur rendre service en continuant ainsi par nos gestes réguliers ?"

Un sentiment de tromperie
Puis on se dit: " Il vaut mieux les voir mandier que les voir voler. Alors, on poursuit notre B.A. (bonne action) jusqu'au jour où on est une nouvelle fois pris par le doute lorsqu'on les aperçoit dans un bar, boire un café ou jouer au baby-foot.

C'est à ce moment là que chacun de nous a le sentiment d'avoir été dupé, c'est à ce moment là que notre jugement fondé sur l'évidence peut porter à l'erreur.

Mais faisons plutôt connaissance avec ces jeunes gens.
Leur situation n'est pas exceptionnelle, elle pourrait arriver à n'importe qui d'entre nous. T. par exemple, aspirait, au debut, au bonheur légitime du cou- ple. Les problèmes familiaux qui s'ensuivirent plus tard, l'amèneront à se retrouver seul, en retrait de la société; indifférent à la vie. Il est plombier de son métier. Un artisan lui a proposé un jour un emploi de plombier carreleur. A la fin du chantier, celui-ci aurait dû lui donner un salaire convenable ; en réalité, T. n'en perçut que la moitié.
Il ne put crier à l'injustice, il n'était pas déclaré.
Une autre fois, une vieille dame aurait voulu l'employer pour des menus travaux à réaliser à sa maison mais elle renonça, car il lui fallait s'affilier à l'URSSAF.

Et les chiens?
T. s'est rendu, après une longue marche à pied, à Briançon au chevet d'un ami malade qui devait décéder quelques temps plus tard. Il récupéra, situation oblige, les chiens qu'avait laissés cet ami. " Mais, m'a-t-il dit, je ne les aurais pas pris si je ne les aimais pas "

Pourquoi pas?
Ne pouvant plus faire prévaloir ses droits au chômage, T. bon gré mal gré accepte l'argent qu'on veut bien lui donner pour subvenir à ses premiers besoins notamment en nourriture pour lui et ses chiens, se réchauffer grâce à un café après une nuit passée dans un abri de fortune, ou se divertir en jouant à une ou deux parties de baby-foot.

Pourquoi pas?

Celui qui donne doit oublier ce que sa main a donné, reservant son geste au Christ.

J. de C. (12.09.2008)